La trajectoire politique de Macky Sall, figure majeure de la scène politique sénégalaise, a longtemps été jalonnée de succès éclatants. Depuis ses débuts au Parti Démocratique Sénégalais (PDS) jusqu’à sa fondation de l’Alliance pour la République (APR), Sall avait réussi à construire une carrière marquée par des victoires stratégiques et une influence incontestée. Cependant, les législatives du 17 novembre pourraient marquer un tournant inédit : une défaite qui le contraint à reconsidérer son rôle dans le paysage politique.
First Afrique TV : Votre fenêtre sur l’Afrique
Depuis son ascension politique sous Abdoulaye Wade, Macky Sall s’est forgé l’image d’un stratège pragmatique et d’un leader charismatique. En 2012, il remporta la présidentielle, mettant fin à l’ère Wade, et inaugura une décennie où il a consolidé son pouvoir et mis en œuvre des réformes ambitieuses.
Sa réélection en 2019 semblait confirmer son emprise sur le pays. Mais à mesure que son deuxième mandat avançait, les signes de mécontentement populaire se sont intensifiés, nourris par des accusations de dérive autoritaire, une gestion controversée des ressources naturelles, et une jeunesse de plus en plus frustrée par le chômage et le manque de perspectives.
Les élections législatives du 17 novembre 2024 ont été un véritable baromètre pour Macky Sall et sa coalition, Benno Bokk Yakaar (BBY). Avec une opposition revitalisée menée par Ousmane Sonko et un électorat jeune en quête de changement, la compétition s’annonçait féroce.
Pour Sall, ces élections représentaient plus qu’un simple enjeu législatif : elles incarnaient une tentative de renforcer son héritage politique avant la fin de son mandat en 2024. Son implication active dans la campagne a surpris certains observateurs, qui y voyaient le signe d’un président cherchant à préserver son influence face à une opposition galvanisée.
À l’issue du scrutin, la coalition présidentielle a essuyé un revers significatif. Le camp « patriote », dominé par Ousmane Sonko et les partis d’opposition, a remporté une majorité substantielle. Cette victoire marque un tournant historique pour le Sénégal : pour la première fois depuis 2012, Macky Sall doit céder la main à une opposition qui a su capter les aspirations de la population, notamment des jeunes.
Le président sortant a toutefois accepté sa défaite avec dignité. Lors d’une déclaration télévisée, il a salué le processus démocratique et reconnu la victoire de ses adversaires, une posture qui lui a valu le respect de ses détracteurs.
La défaite de Macky Sall peut être attribuée à plusieurs facteurs :
- L’usure du pouvoir : Après deux mandats successifs, Macky Sall a été confronté à une lassitude généralisée de l’électorat, une dynamique souvent observée dans les démocraties africaines.
- L’ombre de la troisième candidature : Bien qu’il ait renoncé officiellement à briguer un troisième mandat, les débats autour de cette question ont polarisé le pays et terni son image.
- La montée en puissance de l’opposition : Ousmane Sonko, avec son discours axé sur la justice sociale et la lutte contre la corruption, a su mobiliser les jeunes et capitaliser sur les frustrations populaires.
- Le rôle des réseaux sociaux : Les plateformes numériques ont permis une mobilisation massive et une transparence accrue, rendant difficile toute tentative de manipulation électorale.
Après une décennie au sommet, Macky Sall se retrouve dans une position délicate. S’il peut se retirer en laissant derrière lui un bilan mitigé mais significatif (infrastructures, politique énergétique), son rôle futur reste incertain. Deviendra-t-il un mentor politique, ou cherchera-t-il à rebondir dans un autre rôle ?
Pour le Sénégal, cette transition ouvre un nouveau chapitre. La victoire de l’opposition pourrait inaugurer une période de renouveau démocratique, tout en posant des défis liés à la cohabitation entre une présidence affaiblie et une Assemblée nationale dominée par des forces antagonistes.
La défaite de Macky Sall aux législatives de 2024 est un rappel puissant de la vitalité démocratique du Sénégal. Ce pays, souvent cité comme un modèle en Afrique de l’Ouest, continue de démontrer que l’alternance politique est non seulement possible, mais aussi indispensable pour renforcer les institutions. Macky Sall, en acceptant sa défaite, contribue à cette tradition et inscrit une nouvelle page dans l’histoire politique de son pays.
La rédaction