Avec plus de 18 millions d’enfants déscolarisés, le Nigeria détient le triste record mondial en matière de privation éducative. Ce chiffre alarmant, représentant 15 % des enfants déscolarisés dans le monde selon l’UNICEF, illustre une crise systémique. Pauvreté, insécurité, manque d’infrastructures et de personnel, et surtout la non-participation de nombreux États nigérians au financement de l’éducation de base, exacerbent cette situation critique.
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La croissance démographique rapide au Nigeria, avec une population projetée à 410 millions d’habitants d’ici 2050, rend l’investissement éducatif crucial. Pourtant, la situation actuelle reflète une priorité inadéquate accordée à l’éducation, notamment au niveau des États fédérés.
La contribution au Fonds pour l’Éducation de Base Universelle (UBEC) constitue un point de blocage central. Ce mécanisme financier vise à distribuer des subventions fédérales pour soutenir l’éducation de base, mais les États doivent d’abord fournir leur propre part de financement pour en bénéficier. En 2024, seuls trois des 37 États nigérians ont contribué, privant ainsi le système éducatif de 263 milliards de nairas (148 millions d’euros) de subventions inutilisées.
Les États les plus touchés par la déscolarisation sont souvent les mêmes qui négligent leur responsabilité dans l’alimentation de l’UBEC. Cette défaillance entraîne un manque de financement pour construire des écoles, embaucher des enseignants, ou améliorer les infrastructures éducatives.
Jutaro Sakamoto, responsable éducation pour l’UNICEF Nigeria, souligne que le pays fait face à un déficit de 190 000 enseignants dans le primaire. L’absence de financements freine également les efforts pour équiper les salles de classe et rendre les écoles accessibles dans les zones rurales et affectées par l’insécurité.
Idris Salisu Rogo, maître de conférences à l’Université Bayero de Kano, appelle à une mobilisation citoyenne. Selon lui, « le système éducatif public est en train de sombrer, et personne ne semble prêt à le sauver. » Il insiste sur la nécessité pour les gouverneurs d’assumer leurs responsabilités envers la jeune génération.
Des campagnes de sensibilisation, ainsi qu’une implication accrue des organisations de la société civile, pourraient pousser les décideurs à accorder une priorité plus élevée à l’éducation.
Outre les problèmes de financement, d’autres obstacles aggravent la déscolarisation au Nigeria :
- L’insécurité : Les violences dans le nord et le centre du pays, dues à des conflits armés et à des enlèvements ciblant les écoles, découragent les familles d’envoyer leurs enfants à l’école.
- La pauvreté : De nombreuses familles ne peuvent supporter les coûts indirects liés à l’éducation, tels que les uniformes, les fournitures scolaires ou les frais de transport.
- Le mariage précoce et le travail des enfants : Ces pratiques courantes dans certaines régions limitent l’accès des filles et des garçons à l’éducation.
Pour inverser la tendance, plusieurs mesures doivent être envisagées :
- Revoir les mécanismes de financement : Une réforme du système de contribution au fonds UBEC pourrait permettre aux États les plus pauvres de bénéficier des subventions fédérales, même avec une contribution limitée.
- Renforcer la sécurité : Des initiatives doivent être prises pour sécuriser les écoles dans les zones à risque, avec des partenariats entre autorités locales et forces de sécurité.
- Encourager les partenariats public-privé : Le secteur privé pourrait jouer un rôle clé en soutenant des projets éducatifs, notamment dans la construction d’écoles et la formation des enseignants.
- Promouvoir l’éducation des filles : Des campagnes ciblées pour réduire le mariage précoce et les inégalités de genre sont essentielles.
Le système éducatif nigérian est à la croisée des chemins. Si des mesures drastiques ne sont pas prises rapidement, le pays risque de perdre une génération entière d’enfants, ce qui aurait des répercussions profondes sur son développement économique et social.
À travers un engagement plus fort des États, la mobilisation des citoyens, et des efforts collectifs pour surmonter les défis structurels, le Nigeria peut transformer cette crise en opportunité. L’éducation, pilier fondamental de tout progrès durable, doit devenir une priorité pour tous les niveaux de gouvernement.
En acceptant de relever ce défi, le Nigeria pourrait non seulement améliorer le sort de ses millions d’enfants déscolarisés, mais aussi préparer un avenir prometteur pour le pays tout entier.
La rédaction