La ville de Cotonou, accompagnée de la célèbre ville de Ouidah, s’apprête à célébrer un événement unique du 27 au 30 novembre prochain : la troisième édition du Salon de l’Indigo Africain (SIA). Ce rendez-vous met à l’honneur l’indigo, non seulement comme une teinture textile ancestrale, mais aussi comme un art symbolique profondément enraciné dans la culture béninoise et africaine. Cette édition se distingue par son thème central : l’exploration des signes cachés et des symboles associés à cet art ancestral, en révélant des aspects jusqu’alors méconnus de cet artisanat.
First Afrique TV : Votre fenêtre sur l’Afrique
Le Salon de l’indigo africain (SIA), devenu un événement phare, attire non seulement les maîtres artisans du Bénin, appelés les « indigotières », mais aussi des professionnels et passionnés de l’indigo venus de divers pays. À travers des ateliers, conférences et expositions, cet événement se veut un lieu de transmission du savoir, de réflexion, et de valorisation d’un héritage ancien. La promotrice Nadia Adanlé Onibon, entrepreneure culturelle engagée, a ouvert le lancement de cette édition en mettant l’accent sur l’importance de préserver et d’honorer cet art traditionnel. Selon elle, l’indigo est plus qu’une couleur ou un simple textile teinté : il s’agit d’un langage visuel complexe et codifié qui mérite une reconnaissance internationale.
L’indigo béninois, bien que familier dans la région, est porteur d’une histoire peu documentée. Nadia Adanlé Onibon explique que derrière les motifs et les couleurs se cachent des contes, des symboles et des proverbes qui rendent hommage aux traditions et à l’identité culturelle africaine. « Nous voulons rentrer dans nos tréfonds pour exhumer tous les signes non officiels de ce savoir-faire », souligne-t-elle. Autour de la teinture à l’indigo se dessine en effet tout un langage où chaque motif porte un message. Des motifs particuliers peuvent représenter la bravoure, la sagesse ou encore l’espoir, créant ainsi une forme de communication visuelle et artistique qui se transmet de génération en génération.
Cette année, le salon mettra également l’accent sur un vaste projet de documentation de ces symboles. Plus de 800 éléments distincts ont été identifiés, et l’équipe du SIA envisage la publication d’un ouvrage illustré qui regrouperait ces motifs et leur signification. Ce travail de recherche a pour objectif de sauvegarder un savoir en péril et de le partager avec un public plus large. Les visiteurs du salon auront ainsi l’opportunité de découvrir ces motifs et de mieux comprendre l’essence de chaque pièce d’indigo.
L’une des missions fondamentales du SIA 2024 est de reconnaître le travail des indigotières et indigotiers en tant que métier à part entière, avec des compétences et des savoirs uniques. Nadia Adanlé Onibon insiste sur la structuration de cette pratique pour qu’elle soit perçue non pas comme un simple artisanat, mais comme une véritable profession, avec des techniques, une expertise et un vocabulaire qui lui sont propres.
L’édition de cette année veut ainsi sensibiliser le public sur l’importance de soutenir ces artistes pour préserver l’authenticité et la richesse de cet art. En formant et en accompagnant les indigotières, le SIA ambitionne d’établir des standards pour le métier et de leur offrir des opportunités de croissance et de reconnaissance. Ce soutien passe aussi par la création de labels et d’attributs propres à cette profession, ce qui pourrait attirer davantage de jeunes et pérenniser ce savoir-faire traditionnel.
La Guadeloupe est l’invitée d’honneur de cette troisième édition, et sa présence n’est pas un hasard. En effet, lors de la traite négrière, de nombreux esclaves partis des côtes béninoises vers les Antilles ont emporté avec eux des savoirs artisanaux, dont celui de l’indigo. Cet héritage transmis de génération en génération en Guadeloupe et dans d’autres départements d’outre-mer a été préservé et évolué au fil des siècles.
Nadia Adanlé Onibon et son équipe voient dans cette rencontre une opportunité de mieux comprendre comment ce savoir-faire a été adapté dans les cultures caribéennes. À travers des échanges culturels et des démonstrations, le SIA espère approfondir le lien entre l’Afrique et sa diaspora, en explorant les racines communes de cet art et en questionnant son évolution à travers le temps et l’espace.
Le programme du SIA comprend une journée scientifique où experts, chercheurs et économistes se pencheront sur les défis et opportunités de la filière indigo en Afrique. Ils aborderont des questions techniques, stratégiques et économiques, avec pour objectif d’ouvrir des perspectives pour les jeunes et de promouvoir l’innovation dans ce domaine. Ces réflexions permettront d’envisager des stratégies pour faire de l’indigo un moteur de développement économique et de valorisation culturelle.
Le clou du salon sera l’« Indigo Night Fashion », une soirée de défilé de mode où créateurs, stylistes et mannequins présenteront des pièces contemporaines inspirées de l’indigo. Ce sera un moment festif et créatif où l’indigo sera mis en avant à travers des créations modernes, soulignant ainsi sa place intemporelle dans la mode et son influence sur les nouvelles générations d’artistes et de designers. Cette nuit de l’indigo clôturera le salon dans une ambiance conviviale et artistique, rappelant à tous que cet héritage est vivant et en constante évolution.
À travers cet événement, le Bénin s’affirme comme un gardien et un promoteur de l’indigo africain, un art traditionnel porteur d’histoire et d’identité. La troisième édition du SIA ambitionne de faire de l’indigo un symbole de fierté nationale et une source de prospérité économique pour les générations à venir. En explorant ses racines, ses symboles et son potentiel économique, le SIA ouvre la voie à une valorisation durable et innovante de cet héritage.
La rédaction