« Ceux qui veulent nous éteindre devront encore attendre » : ce sont les premiers mots de Kémi Séba sur le réseau social X (anciennement Twitter) après sa libération, le jeudi 17 octobre. Cette libération intervient après près de quatre jours de garde à vue dans les locaux de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) à Paris. Le militant panafricaniste était poursuivi pour intelligence avec une puissance étrangère, incitation à des actes d’agression et d’hostilité envers la France, ainsi qu’atteinte aux droits fondamentaux.
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Stellio Gilles Robert Capo Chichi, plus connu sous le nom de Kémi Séba, est une figure controversée, reconnue pour ses positions très critiques envers la politique française en Afrique et ses discours en faveur du panafricanisme. Il est souvent décrit comme un porte-voix des revendications contre la présence française sur le continent africain, un thème central de ses interventions publiques et de ses écrits.
La mise en garde à vue de Kémi Séba par la DGSI avait suscité une vive réaction de ses partisans et de plusieurs organisations panafricanistes, qui dénonçaient une tentative de museler l’activisme panafricaniste et de réduire au silence un opposant majeur aux intérêts français en Afrique. Selon ses avocats, cette détention visait à intimider Kémi Séba et à décourager ses prises de position, notamment ses critiques acerbes contre la politique étrangère de la France et son rôle en Afrique de l’Ouest.
Bien que Kémi Séba ait été libéré, il reste sous le coup d’une enquête qui pourrait déboucher sur de nouvelles poursuites judiciaires. Le militant, qui a perdu sa nationalité française le 9 juillet dernier, circule désormais avec un visa diplomatique, ce qui lui permet de se déplacer dans l’espace Schengen, selon un communiqué de son ONG, Urgences Panafricanistes.
Cette situation a entraîné de nombreux débats sur le statut de Kémi Séba, qui, malgré sa perte de nationalité, continue de fréquenter le territoire français. L’ONG Urgences Panafricanistes a défendu le droit de son leader à se rendre en France, soulignant que ce dernier avait fait preuve de courage en prenant le risque de venir pour rendre visite à un proche âgé et malade. Pour ses soutiens, cette visite familiale ne saurait être interprétée comme un acte hostile envers la France.
Les accusations portées contre Kémi Séba sont graves : intelligence avec une puissance étrangère, incitation à des actes d’agression et atteinte aux droits fondamentaux. Elles s’inscrivent dans un contexte de tensions croissantes entre la France et certains pays africains, notamment en Afrique de l’Ouest, où Kémi Séba a été particulièrement actif.
En effet, ces dernières années, le militant a multiplié les interventions publiques pour dénoncer le néocolonialisme français et appeler à un retrait des bases militaires françaises en Afrique. Il s’est également opposé au franc CFA, une monnaie qu’il considère comme un instrument de domination économique de la France sur ses anciennes colonies. Ses prises de position lui ont valu des soutiens, mais aussi des adversaires, tant en Afrique qu’en France.
La justice française, en le plaçant sous enquête, entend déterminer si les discours et actions de Kémi Séba relèvent de la liberté d’expression ou s’ils franchissent la ligne rouge en incitant à la violence et en menaçant la sécurité nationale. La question de son éventuelle collaboration avec des puissances étrangères, en particulier des régimes hostiles à la France, est également au cœur des préoccupations des autorités françaises.
Kémi Séba reste un personnage clivant, à la fois admiré et critiqué. Pour ses partisans, il est un symbole de la lutte pour l’émancipation des peuples africains face à ce qu’ils perçoivent comme une ingérence continue de la France sur le continent. Ses discours passionnés et ses actions coup de poing, comme la brûlure symbolique d’un billet de franc CFA, ont fait de lui une figure centrale du mouvement panafricaniste.
Cependant, pour ses détracteurs, Kémi Séba adopte une rhétorique qui frôle parfois la haine et la confrontation, ce qui nuit à la cause qu’il défend. Certains estiment qu’il instrumentalise le sentiment anti-français pour servir ses ambitions personnelles, et que son discours contribue à envenimer les relations entre la France et ses anciennes colonies.
La suite de cette affaire pourrait avoir des répercussions importantes, tant pour la scène politique française que pour les relations franco-africaines. En poursuivant Kémi Séba, la France cherche à réaffirmer sa volonté de lutter contre les discours jugés menaçants pour sa sécurité. Cependant, cette stratégie comporte le risque de renforcer le discours de victimisation que le militant tient régulièrement à l’égard de l’État français.
Pour l’Afrique, et notamment pour les pays d’Afrique de l’Ouest, cette affaire est suivie de près. Le cas de Kémi Séba soulève la question plus large de la liberté d’expression des militants panafricanistes et des limites de leur engagement. À travers sa figure, c’est aussi le débat sur le rôle de la France en Afrique qui continue de se jouer, un débat de plus en plus animé par des mouvements de jeunesse réclamant un nouveau paradigme dans les relations entre l’Afrique et ses anciens colonisateurs.
Kémi Séba se trouve donc à un tournant. Sa libération sous surveillance laisse planer l’incertitude sur ses futures actions et sur l’issue de cette enquête. Bien qu’il continue d’affirmer son engagement et sa détermination, le militant sait que les prochaines étapes seront déterminantes pour son avenir. Quant à ses adversaires, ils espèrent que la justice française saura tirer au clair les accusations qui pèsent contre lui.
Pour l’heure, Kémi Séba maintient son message de résistance, mais le chemin juridique et politique reste semé d’embûches. Ses soutiens, tout comme ses détracteurs, attendent avec impatience les prochains développements de cette affaire, qui pourrait bien redéfinir les contours du militantisme panafricaniste en Europe et au-delà.
Wilfrid K./La rédaction