Dans l’ombre des crises au Proche-Orient et en Ukraine, le Soudan sombre dans une guerre dévastatrice depuis plus d’un an et demi. L’indifférence internationale contraste violemment avec l’ampleur de la tragédie : des dizaines de milliers de morts, une crise humanitaire sans précédent, et une famine imminente pour des millions de personnes. L’histoire de cette descente aux enfers débute en 2019 avec la chute d’Omar El-Béchir, dictateur islamiste évincé après trois décennies au pouvoir. Une brève coopération entre civils et militaires avait alors suscité l’espoir d’une transition démocratique. Mais en octobre 2021, les ambitions de pouvoir des militaires brisent cet équilibre fragile. Le général Abdel Fattah Al-Bourhane, appuyé par les Forces de soutien rapide (FSR) dirigées par Hemetti, s’empare du contrôle.
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Cette alliance opportuniste s’effondre en avril 2023, transformant le Soudan en champ de bataille entre les Forces armées soudanaises (FAS) et les paramilitaires des FSR. Les violences se concentrent dans les zones urbaines et au Darfour, où des communautés ethniques, notamment les Massalits, sont ciblées par des atrocités. À El-Fasher, les assauts des FSR contre cette dernière capitale résistante de la région du Darfour menacent l’intégrité territoriale du pays. Malgré quelques victoires militaires des FAS, comme la reprise de Karthoum et de Sinja en 2024, la situation demeure chaotique, ponctuée de bombardements et d’attentats.
Dans ce contexte, les ambitions des puissances étrangères aggravent le désastre. Le Soudan, troisième producteur d’or en Afrique et riche en ressources agricoles, attise les convoitises de ses voisins et des grandes puissances. Les Émirats arabes unis, alliés des FSR, exploitent les mines d’or en échange de leur soutien militaire, en violation des embargos de l’ONU. Parallèlement, l’Arabie saoudite, inquiète de l’instabilité régionale, tente de renforcer ses relations avec le général Al-Bourhane tout en poursuivant ses propres intérêts économiques.
La Russie, cherchant à consolider son influence dans la région, a récemment soutenu Al-Bourhane au Conseil de sécurité de l’ONU. Moscou espère établir une base navale stratégique à Port-Soudan, offrant un accès à la mer Rouge et au golfe d’Aden. L’Iran, quant à lui, profite du conflit pour fournir des drones aux FAS, renforçant ainsi ses liens avec Khartoum. Enfin, l’Égypte, bien que prudente, réaffirme son soutien aux FAS, tout comme les États-Unis, qui sanctionnent les deux camps pour crimes de guerre tout en dénonçant un génocide orchestré par les FSR.
Face à ces luttes d’influence, les initiatives de médiation internationale échouent à mettre fin aux hostilités. L’espoir d’un cessez-le-feu semble lointain, tandis que la population soudanaise continue de subir les conséquences de ce conflit oublié. Les prochaines actions du Conseil de sécurité de l’ONU et de la communauté internationale seront-elles suffisantes pour sauver une nation au bord de l’abîme ?
Wilfrid K./La rédaction