Le Ghana a récemment rejoint le cercle très restreint des pays africains qui exemptent tous les ressortissants du continent de visa pour entrer sur leur territoire. Cette mesure, annoncée le 3 janvier 2025 par le président sortant Nana Akufo Addo, constitue une avancée majeure en matière d’intégration africaine. Elle s’inscrit dans un cadre plus large visant à renforcer les liens entre les pays du continent et à promouvoir une unité panafricaine longtemps rêvée.
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Historiquement, l’Afrique a toujours été une terre de migrations. Contrairement aux images souvent relayées de migrants risquant leur vie pour rejoindre l’Europe, la majorité des mouvements migratoires sur le continent sont intra-africains. Les échanges humains entre les régions de l’Afrique datent de plusieurs siècles, et ces interactions ont contribué à façonner les cultures et les économies locales. Cependant, les barrières administratives imposées par les frontières nationales, souvent héritées de la colonisation, ont rendu ces migrations plus complexes qu’elles ne l’étaient auparavant.
En annonçant l’exemption de visa pour tous les Africains détenteurs d’un passeport, Nana Akufo Addo a affirmé sa volonté de positionner le Ghana comme un acteur clé de l’intégration africaine. « Il s’agit de la prochaine étape logique vers la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) et le fonctionnement du plus grand bloc commercial au monde. Ce sont des éléments essentiels à la réalisation de l’Agenda 2063 de l’Union africaine, qui envisage une Afrique intégrée et connectée à l’horizon 2063 », a-t-il déclaré.
Cette décision s’inscrit dans une vision plus large de l’unité africaine, souvent mise en avant dans les discours politiques mais rarement traduite en actes concrets. La liberté de circulation des personnes est un objectif récurrent des traités et des accords continentaux, comme le Protocole de l’Union africaine sur la libre circulation des personnes adopté en 2018. Cependant, sa mise en œuvre reste lente et inégale entre les pays membres.
À ce jour, seuls quelques États africains, dont le Bénin, les Seychelles, et maintenant le Ghana, ont pris des mesures pour ouvrir leurs frontières sans visa à l’ensemble des Africains. Cela reste une exception sur un continent de 54 pays, où les formalités de visa demeurent un frein important à la mobilité. Selon l’Indice d’ouverture sur les visas en Afrique (AVOI), publié chaque année depuis 2016 par la Banque Africaine de Développement, 47 % des voyages intra-africains nécessitaient encore un visa avant le départ en 2024. Ce chiffre, relativement stable par rapport à 2023, montre que peu de progrès ont été réalisés dans ce domaine.
L’ouverture des frontières, telle que décidée par le Ghana, pourrait avoir des retombées économiques significatives. La Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), entrée en vigueur en 2021, repose sur l’idée que l’intégration économique passe par la réduction des barrières commerciales et la libre circulation des biens, des services et des personnes. En facilitant la mobilité des travailleurs, des entrepreneurs et des touristes à l’intérieur du continent, le Ghana espère dynamiser son économie et renforcer les échanges avec ses voisins africains.
Pourtant, les défis ne manquent pas. La gestion des frontières et les infrastructures de transport doivent être renforcées pour accompagner cette ouverture. De plus, le risque d’abus ou de pressions sur les ressources locales pourrait inquiéter certaines populations. Néanmoins, les experts s’accordent à dire que les avantages économiques et sociaux l’emportent largement sur les éventuels désavantages.
Au-delà des considérations économiques, la décision du Ghana a une portée symbolique importante. Elle reflète une vision panafricaniste d’unité, mise en avant par des figures historiques telles que Kwame Nkrumah, premier président du Ghana et ardent défenseur de l’unité africaine. En suivant les pas de ce leader emblématique, Nana Akufo Addo souhaite laisser un héritage durable avant la fin de son second mandat.
Le président ghanéen a également voulu envoyer un message clair aux autres nations africaines : l’intégration continentale n’est pas une utopie, mais une réalité qui peut être mise en œuvre par des actions concrètes. En ouvrant ses frontières, le Ghana invite d’autres pays à emboîter le pas et à adopter des politiques similaires pour construire une Afrique plus connectée.
Malgré cette avancée, il reste encore beaucoup à faire pour que la libre circulation devienne une réalité sur l’ensemble du continent. La lenteur de la ratification du Protocole de l’Union africaine sur la libre circulation en est une illustration. À ce jour, seuls 4 pays africains ont ratifié ce texte, bien qu’il ait été adopté par 32 États membres.
Le rapport 2024 sur les migrations en Afrique, publié par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et la Commission de l’Union africaine (CUA), souligne également que les restrictions aux mobilités intra-africaines restent nombreuses. Ces barrières freinent non seulement les échanges économiques, mais aussi le développement d’un sentiment d’identité continentale.
En abolissant les visas pour tous les Africains, le Ghana s’affirme comme un modèle d’ouverture et d’intégration sur le continent. Cette décision, bien qu’ambitieuse, doit être accompagnée de mesures concrètes pour en maximiser les bénéfices et en atténuer les éventuels inconvénients.
Si d’autres pays suivent cet exemple, le rêve d’une Afrique unie et intégrée pourrait enfin se concrétiser. L’initiative du Ghana rappelle que les actions audacieuses sont nécessaires pour relever les défis historiques et bâtir un avenir commun pour le continent africain.
La rédaction