Le Gabon se dirige vers un tournant politique majeur avec le projet de nouvelle constitution qui pourrait être adopté d’ici la fin de 2024. Ce projet, remis au président de la transition, Brice Oligui Nguema, introduit des réformes significatives qui modifient en profondeur le système politique du pays, renforçant ainsi le pouvoir présidentiel tout en inscrivant des protections pour les responsables du récent changement de régime.
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Le projet de constitution instaure un régime présidentiel fort au Gabon, notamment par la suppression du poste de Premier ministre, ce qui confère au président de la République une concentration accrue du pouvoir exécutif. Selon ce texte, le président serait élu pour un mandat de sept ans, renouvelable une seule fois. Cette mesure vise à limiter la longévité au pouvoir, une réponse directe aux critiques formulées contre les régimes précédents, notamment celui d’Ali Bongo Ondimba, dont la famille a dominé la scène politique gabonaise pendant plus de cinq décennies.
L’une des dispositions les plus notables du projet de constitution est l’introduction de sanctions en cas de tentative de modification des limites du mandat présidentiel. Le chef de l’État qui tenterait de prolonger son pouvoir au-delà des deux mandats constitutionnels encourrait des accusations de trahison. Cette disposition vise à prévenir toute dérive autoritaire et à assurer une alternance démocratique. En outre, le président disposerait du pouvoir de dissoudre les deux chambres du Parlement — l’Assemblée nationale et le Sénat —, renforçant ainsi son emprise sur le pouvoir législatif.
Le projet de constitution introduit également des critères stricts pour l’accès à la présidence. Seuls les Gabonais d’origine, c’est-à-dire ceux dont les parents sont nés gabonais, pourront prétendre à la fonction suprême. Cette disposition vise à préserver la souveraineté nationale en limitant l’influence étrangère dans les plus hautes sphères de l’État. Cette clause pourrait être perçue comme une manière de consolider un sentiment nationaliste, en s’assurant que les dirigeants partagent une identité profondément enracinée dans le pays.
Sur le plan social, le texte réaffirme les valeurs traditionnelles en stipulant que le mariage ne peut être contracté qu’entre deux personnes de sexes opposés. Cette disposition s’inscrit dans un contexte où les débats sur les droits des minorités sexuelles et le mariage homosexuel sont encore sensibles en Afrique. En adoptant une telle position, le projet de constitution reflète les valeurs conservatrices qui prédominent au Gabon, tout en consolidant un cadre juridique en ligne avec les pratiques culturelles locales.
Un autre aspect controversé du projet de constitution est la reconnaissance des militaires ayant renversé le régime d’Ali Bongo Ondimba comme des « héros ». Cette reconnaissance officielle vise à légitimer le coup d’État et à intégrer ces militaires dans l’histoire nationale comme des figures salvatrices ayant mis fin à une longue période de domination familiale. En outre, une loi d’amnistie est proposée pour protéger ces acteurs de toute poursuite judiciaire future, ce qui pourrait susciter des critiques, notamment de la part des défenseurs des droits humains.
Cette amnistie pourrait être vue comme une manière d’assurer une transition pacifique en évitant les représailles et en stabilisant le pays après un changement de régime aussi radical. Cependant, elle soulève des questions sur l’impunité et le respect de la justice, des points qui pourraient être discutés lors des débats parlementaires.
Avant de devenir la loi fondamentale du Gabon, ce projet de constitution doit encore passer par plusieurs étapes cruciales. Il sera d’abord examiné et potentiellement amendé par le Parlement de transition. Ce processus législatif est crucial, car il permettra d’intégrer les diverses sensibilités politiques et sociales du pays dans le texte final. Le peuple gabonais, en tant que souverain primaire, aura ensuite le dernier mot par le biais d’un référendum. Ce processus de validation populaire est essentiel pour assurer la légitimité de la nouvelle constitution et son acceptation par l’ensemble de la société gabonaise.
Ce projet de constitution marque une rupture significative avec le passé politique du Gabon, proposant un modèle de gouvernance centré sur un président aux pouvoirs renforcés tout en cherchant à ancrer des principes de souveraineté et de protection nationale. Alors que le pays se prépare pour le référendum, ce texte pourrait bien redéfinir les contours de la République gabonaise pour les décennies à venir.
La rédaction/First Afrique Tv