Entre Paris et Alger, le dialogue tourne au silence radio. En l’espace de quelques heures, deux gestes forts, deux rappels d’ambassadeurs, vingt-quatre diplomates expulsés et un climat aussi glacial qu’historiquement chargé. L’ombre d’un passé colonial jamais totalement apaisé ressurgit, nourrie aujourd’hui par une crise diplomatique inédite depuis les premières années de l’indépendance algérienne.
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Tout bascule le 14 avril 2025. Alger, furieux après l’arrestation en France d’un agent consulaire soupçonné d’avoir joué un rôle dans l’enlèvement d’un opposant exilé, le célèbre vidéaste Amir DZ, décide d’expulser douze diplomates français. Moins de 24 heures plus tard, Paris riposte, même nombre d’agents algériens sommés de quitter le sol français. Une symétrie brutale, rare, aux allures de rupture. Le Quai d’Orsay, qui dénonce une attaque contre l’ordre diplomatique, rappelle aussitôt son ambassadeur à Alger pour consultations. Un geste lourd de sens.
Mais cette escalade n’est pas un éclair isolé dans un ciel serein. Depuis plusieurs mois, la relation entre les deux capitales se fragilise. La France a affiché son appui au Maroc sur le dossier explosif du Sahara occidental, piétinant la ligne rouge algérienne. Dans le même temps, la condamnation en Algérie de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal a jeté une ombre sur la liberté d’expression, une valeur sacrée pour Paris.
En coulisses, l’espoir subsiste. Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune avaient échangé au téléphone fin mars, tentant de renouer un fil déjà bien mince. Mais cette poussée diplomatique est aujourd’hui noyée dans les remous de la méfiance. La crise actuelle montre à quel point les blessures de l’Histoire continuent de façonner les relations présentes. Entre souvenirs amers, orgueil national et enjeux stratégiques, la France et l’Algérie marchent sur un fil.
Et pourtant, l’interdépendance est là. Plus de 6 millions de Français ont des liens avec l’Algérie. Les échanges économiques sont conséquents, les enjeux migratoires communs, les défis sécuritaires partagés. Deux peuples liés malgré les turbulences de leurs États.
Reste à savoir si ce tumulte diplomatique accouchera d’un renouveau ou d’un repli. Une chose est sûre, à force de tourner le dos à l’Histoire ou d’en faire un champ de bataille, Paris et Alger risquent d’oublier l’essentiel, l’avenir.
Wilfrid K./La rédaction