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CÔTE D’IVOIRE : TENSIONS ENTRE OUATTARA ET L’ÉGLISE

Déc 14, 2024
Côte D Ivoire EgliseAlassane Ouattara et le pape François au Vatican le 17 septembre 2022.

En Côte d’Ivoire, la relation entre le président Alassane Ouattara et l’Église catholique oscille entre coopération diplomatique et frictions. Le récent consistoire du 7 décembre 2024, au Vatican, où Mgr Ignace Bessi Dogbo a été élevé au rang de cardinal par le pape François, a mis en lumière cette dynamique complexe. Une délégation officielle ivoirienne, conduite par la ministre d’État Anne Désirée Ouloto, était présente pour l’occasion. « La Côte d’Ivoire est véritablement un pays béni de Dieu », a déclaré cette dernière au cours du déjeuner organisé après la cérémonie, soulignant les efforts du gouvernement pour maintenir des liens solides avec le Vatican.

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Cette démonstration de bonne entente masque cependant des relations parfois tendues entre le pouvoir ivoirien et une Église catholique locale réputée pour son franc-parler et son indépendance. Alors que la présidentielle de 2025 approche, la gestion de cette relation constitue un enjeu stratégique pour Alassane Ouattara, dont la diplomatie religieuse s’efforce de trouver un équilibre entre apaisement et contrôle.

 

Depuis son arrivée au pouvoir en 2011, Alassane Ouattara a cherché à cultiver une image de dirigeant ouvert et respectueux des différentes sensibilités religieuses du pays. La Côte d’Ivoire, pays pluriconfessionnel où cohabitent chrétiens, musulmans et adeptes des religions traditionnelles, accorde une place importante à la religion dans l’espace public. Dans ce contexte, l’Église catholique, qui représente environ 20 % de la population, joue un rôle majeur, non seulement sur le plan spirituel, mais aussi en tant qu’acteur social et politique.

En participant activement aux cérémonies catholiques majeures, en soutenant la nomination de cardinaux ivoiriens, ou encore en facilitant des initiatives de dialogue interreligieux, le président Ouattara renforce ses liens avec le Vatican. Cette stratégie vise à consolider son image à l’international, notamment auprès des chancelleries occidentales, tout en répondant aux attentes de la communauté catholique ivoirienne. La récente élévation de Mgr Bessi Dogbo au rang de cardinal illustre cet effort.

Cependant, cette diplomatie religieuse ne se limite pas à des relations symboliques. Pour le chef de l’État, elle constitue également un outil de légitimation politique. En s’associant à l’Église, Ouattara cherche à apparaître comme un garant de la paix et de la stabilité dans un pays marqué par des tensions post-électorales et des divisions ethniques.

 

Malgré ces gestes d’ouverture, l’Église catholique ivoirienne ne se laisse pas instrumentaliser. Fidèle à sa tradition de franc-parler, elle n’hésite pas à critiquer les dérives du pouvoir, notamment en matière de gouvernance, de justice sociale ou de respect des droits de l’homme. Les prises de position de la Conférence des évêques de Côte d’Ivoire, particulièrement lors des périodes électorales, témoignent de son engagement en faveur de la vérité et de la justice.

Lors de l’élection présidentielle de 2020, marquée par des tensions et des violences, les évêques avaient exhorté le gouvernement à dialoguer avec l’opposition et à éviter toute dérive autoritaire. Cette attitude critique a souvent irrité le pouvoir, qui voit dans ces déclarations une menace pour son autorité.

Dans ce contexte, les relations entre Ouattara et l’Église oscillent entre collaboration et confrontation. D’un côté, le président cherche à maintenir un dialogue institutionnel avec l’Église pour préserver la paix sociale. De l’autre, il n’hésite pas à marginaliser ou à discréditer les voix critiques au sein du clergé.

À l’approche de l’élection présidentielle de 2025, ces tensions prennent une dimension encore plus cruciale. Pour Alassane Ouattara, dont le parti s’efforcera de conserver le pouvoir, il est impératif de contenir les critiques de l’Église catholique, tout en capitalisant sur son influence auprès des fidèles.

La nomination de Mgr Bessi Dogbo au rang de cardinal pourrait servir cette stratégie. Connu pour son tempérament plus consensuel que celui de certains de ses prédécesseurs, le nouvel archevêque d’Abidjan incarne une figure de dialogue. En soutenant cette élévation, le gouvernement espère sans doute apaiser les relations avec l’Église et limiter les prises de position trop critiques à l’approche des échéances électorales.

Néanmoins, le clergé catholique reste attaché à son indépendance. Même si certains prélats optent pour une posture modérée, d’autres n’hésitent pas à rappeler leurs devoirs de vigilance et d’interpellation face aux injustices. La diversité des sensibilités au sein de l’Église complique toute tentative de contrôle par le pouvoir.

Les relations entre Alassane Ouattara et l’Église catholique s’inscrivent dans un contexte politique et social tendu. Alors que la présidentielle de 2025 s’annonce décisive, les fractures politiques et ethniques persistent, et les questions de réconciliation nationale restent en suspens.

Dans ce climat, l’Église catholique pourrait jouer un rôle clé en appelant au dialogue et à l’apaisement. Toutefois, cette position d’arbitre moral risque de la placer une nouvelle fois en opposition au pouvoir, surtout si celui-ci adopte une posture autoritaire ou refuse d’engager un processus électoral inclusif.

La relation entre Alassane Ouattara et l’Église catholique ivoirienne reflète les tensions propres aux sociétés où la religion occupe une place importante dans la sphère publique. Si le pouvoir cherche à instrumentaliser cette institution, celle-ci revendique son indépendance et sa liberté de parole.

 

À mesure que l’élection présidentielle de 2025 approche, ces tensions pourraient s’intensifier, surtout si le gouvernement perçoit l’Église comme un obstacle à ses ambitions politiques. Néanmoins, les récentes démonstrations de coopération, notamment lors du consistoire au Vatican, montrent que des ponts demeurent possibles ntre les deux parties. Reste à savoir si ce fragile équilibre tiendra dans un contexte électoral souvent explosif en Côte d’Ivoire.

 

Wilfrid K./La rédaction

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