L’activiste panafricaniste Kémi Séba, connu pour son militantisme contre la Françafrique et le néocolonialisme, a récemment annoncé sa candidature à l’élection présidentielle béninoise de 2026. Cette déclaration a suscité de nombreuses interrogations sur la pertinence de cette démarche. S’il jouit d’une certaine notoriété sur la scène panafricaine, sa connaissance des réalités locales et sa légitimité à prétendre au plus haut poste de l’État béninois font débat.
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Né en France de parents béninois, Kémi Séba, de son vrai nom Stellio Gilles Robert Capo-Chichi, s’est distingué comme une figure radicale du panafricanisme. Ses actions médiatisées, comme le rejet symbolique du franc CFA, lui ont valu le soutien d’une partie de la jeunesse africaine et la défiance des élites politiques. Cependant, son annonce de candidature à la présidence du Bénin soulève des questions sur son lien réel avec le pays qu’il aspire à diriger.
Si Kémi Séba revendique des origines béninoises, ses attaches avec le pays sont limitées. Ayant grandi en France et mené une carrière militante principalement à l’échelle internationale, il n’a pas été directement impliqué dans les enjeux sociaux, économiques et politiques locaux. Les défis auxquels fait face le Bénin, comme la lutte contre la corruption, le chômage, l’insécurité et la gestion des infrastructures, nécessitent une connaissance approfondie du terrain et des solutions adaptées à la réalité béninoise.
En effet, la gouvernance ne se résume pas à un discours anti-impérialiste ou à des postures idéologiques. Pour diriger un pays comme le Bénin, il faut comprendre les subtilités de son économie, de sa culture, et de ses institutions. Les électeurs pourraient légitimement se demander si Kémi Séba, avec son parcours essentiellement militant, est préparé à répondre aux préoccupations quotidiennes des citoyens.
Parmi ses propositions, Kémi Séba a évoqué des mesures telles que le retrait du Bénin de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) pour rejoindre une hypothétique Alliance des États du Sahel (AES). Si cette idée s’inscrit dans sa vision d’un panafricanisme affranchi des influences occidentales, elle semble en décalage avec les besoins immédiats du Bénin.
Le pays, dont l’économie repose sur des échanges régionaux, dépend fortement de la CEDEAO pour ses relations commerciales et financières. Une telle rupture pourrait avoir des conséquences néfastes sur les secteurs agricoles et industriels, déjà fragiles. De plus, sa focalisation sur des questions géopolitiques à l’échelle continentale risque de détourner l’attention des défis internes, comme l’accès à l’éducation, à la santé et aux infrastructures de base.
La crédibilité d’un candidat repose non seulement sur ses idées, mais aussi sur sa capacité à bâtir des coalitions et à inspirer confiance aux électeurs. À ce jour, Kémi Séba ne semble pas avoir développé une base politique solide au Bénin. Bien qu’il ait exprimé son souhait de représenter le parti d’opposition « Les Démocrates », aucun soutien officiel ne lui a encore été accordé.
Sa déchéance récente de la nationalité française, après des condamnations pour incitation à la haine raciale, alimente également les critiques. Certains y voient une tentative d’opportunisme politique, visant à transformer son exclusion de la France en une quête de légitimité en Afrique. Cependant, cette approche pourrait se heurter à la méfiance des Béninois, qui attendent des candidats dotés d’une vision réaliste et d’une intégrité éprouvée.
L’arrivée de Kémi Séba dans la course présidentielle pourrait fragmenter l’électorat de l’opposition et profiter indirectement au président sortant, Patrice Talon. En détournant l’attention des véritables enjeux locaux vers des débats idéologiques, il risque d’affaiblir la cohésion des forces adverses au pouvoir en place.
Par ailleurs, son style de communication, axé sur les réseaux sociaux et les slogans anti-système, pourrait séduire une partie de la jeunesse urbaine, mais il devra convaincre les électeurs ruraux, qui constituent une majorité. Ces derniers, confrontés à des défis concrets comme l’accès à l’eau, à l’électricité et aux infrastructures, pourraient être sceptiques face à des propositions trop éloignées de leurs réalités.
La candidature de Kémi Séba à la présidentielle de 2026 interpelle par son audace, mais elle soulève de nombreuses questions sur sa pertinence. Bien que son discours panafricaniste résonne avec une partie de l’électorat, son manque de lien profond avec le Bénin, ses propositions radicales et sa méconnaissance des défis locaux pourraient limiter ses chances.
Pour convaincre, Kémi Séba devra démontrer qu’il est capable de transformer son activisme en un projet politique cohérent et pragmatique, adapté aux besoins des Béninois. Sans cela, sa candidature risque de rester perçue comme une démarche symbolique, plus tournée vers la promotion de sa notoriété que vers une réelle ambition de gouverner le pays.
Wilfrid K./La rédaction