La Charte du Mandé, également appelée Charte de Kurukan Fuga, représente l’une des premières déclarations des droits de l’Homme en Afrique. Proclamée au XIIIe siècle par Soundjata Keïta, fondateur de l’Empire du Mali, elle est un ensemble de règles et de principes régissant la vie en société. Cette charte fut adoptée lors d’une grande assemblée des clans mandingues après la victoire de Soundjata à la bataille de Kirina en 1235. Transmise oralement à travers les siècles par les griots, la Charte du Mandé a été préservée jusqu’à aujourd’hui.
Elle est composée de 44 articles qui couvrent divers domaines essentiels de la vie humaine, tels que la protection des droits de l’Homme, la justice, la solidarité, la préservation de l’environnement, et le respect des différences sociales et culturelles.
L’un des principaux enseignements de la charte est le respect de la vie humaine. Elle affirme que « toute vie humaine est une vie », rejetant l’idée d’une hiérarchie entre les êtres humains. Ce principe consacre l’égalité de tous devant la loi et la protection de l’intégrité physique. De plus, la charte abolit l’esclavage en affirmant qu’aucun Mandingue ne pourra être fait esclave, ni vendu à quiconque. Ce texte historique, bien avant l’époque moderne, appelait déjà à la dignité humaine et à l’abolition de l’exploitation.
La solidarité et l’entraide sont des valeurs clés de la Charte du Mandé. Elle incite les membres de la communauté à veiller les uns sur les autres et à venir en aide aux plus vulnérables. Ce principe est fortement ancré dans les traditions africaines de solidarité collective, où chaque individu est responsable du bien-être de son voisin.
Un autre aspect fondamental de la charte est le respect de la diversité. La charte établit que toute personne, indépendamment de son ethnie ou de sa croyance, mérite respect et considération. Elle appelle à la tolérance religieuse et culturelle, un concept avancé pour l’époque, où la coexistence pacifique entre les peuples était encouragée.
La protection des femmes est également un principe important de la Charte du Mandé. Elle exige que les femmes soient impliquées dans la gouvernance et interdit leur maltraitance. De même, elle veille à la protection des enfants, considérant qu’ils ne sont pas des objets de commerce ou de maltraitance, mais des êtres à part entière dont les droits doivent être respectés.
Un autre point central de la charte est la protection de l’environnement. Elle interdit la destruction déraisonnable des ressources naturelles, en affirmant que les plantes et les animaux méritent eux aussi d’être préservés. Ce respect pour la nature s’inscrit dans une vision harmonieuse entre l’Homme et son environnement, une approche durable avant l’heure, reconnaissant que la survie de l’humanité dépend de la préservation de la planète.
En 2009, la Charte du Mandé a été inscrite au patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’UNESCO. Cette reconnaissance internationale met en lumière l’importance de ce texte dans l’histoire mondiale des droits humains et des sociétés. Elle montre que les sociétés africaines avaient développé des systèmes juridiques et sociaux sophistiqués bien avant l’époque moderne.
La Charte du Mandé est bien plus qu’un simple texte historique. Elle est un témoignage vivant des valeurs humaines fondamentales de justice, de liberté, d’égalité, de solidarité et de respect de l’environnement. Aujourd’hui encore, elle inspire de nombreuses réflexions sur les droits de l’Homme, le développement durable et la paix sociale.
L’Afrique, à travers ce texte fondateur, a largement contribué à la construction des idéaux universels des droits humains, en posant des bases solides de respect de l’individu et de son environnement, bien avant l’avènement des déclarations modernes.
Wilfrid K./La rédaction