Le Conseil de sécurité de l’ONU a franchi un cap décisif le 21 février en condamnant directement le Rwanda pour son soutien présumé au groupe rebelle du Mouvement du 23 mars (M23). Cette résolution, adoptée à l’unanimité, réclame également le retrait immédiat des rebelles des territoires conquis dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), notamment Goma et Bukavu. Pour la première fois, les membres africains du Conseil ont soutenu une résolution blâmant Kigali, un fait inhabituel dans les dynamiques diplomatiques de la région.
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Depuis sa résurgence en 2021, le M23 mène une offensive dévastatrice dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Après avoir capturé Goma fin janvier 2025, le groupe s’est emparé de Bukavu sans rencontrer de réelle opposition. Les forces armées congolaises (FARDC), en déroute, abandonnent leurs positions, laissant la défense de certains territoires aux milices progouvernementales Wazalendo. Ces dernières mènent des combats quasi-quotidiens contre le M23, notamment dans la région de Masisi.
Les témoignages des habitants des zones touchées dressent un tableau sombre : pillages, exactions et chaos généralisé. À Lubero, à 250 km au nord de Goma, les soldats congolais ont fui, abandonnant la ville à une avancée inexorable des rebelles. Certains commerçants ont commencé à évacuer leurs marchandises dès mercredi, et les écoles sont désormais fermées.
Le conflit a provoqué un afflux massif de réfugiés. Selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), 42 000 personnes, principalement des femmes et des enfants, ont fui vers le Burundi au cours des deux dernières semaines. Il s’agit du plus grand exode de ce type depuis 25 ans. En outre, 15 000 autres réfugiés ont traversé les frontières vers des pays voisins, dont 13 000 en Ouganda.
La ville d’Uvira, située au nord-ouest du lac Tanganyika et à proximité de Bujumbura, est devenue un point critique. Les habitants décrivent une situation de « chaos total », marquée par des troubles persistants malgré les mesures annoncées par les autorités militaires locales pour sécuriser la zone.
La résolution du Conseil de sécurité, rédigée par la France, condamne également le soutien militaire rwandais présumé, avec des experts de l’ONU affirmant que 4 000 soldats rwandais appuient le M23. De son côté, Kigali rejette ces accusations, affirmant que son armée se défend contre des miliciens hutus opérant aux côtés des FARDC.
L’implication de l’Ouganda, bien que plus discrète, suscite également des interrogations. Officiellement, des troupes ougandaises ont été déployées dans le cadre d’une opération conjointe avec l’armée congolaise. Cependant, des analystes pointent les liens historiques entre Kampala et le M23, suggérant des motivations stratégiques complexes.
Le chef de la diplomatie américaine, Marco Rubio, a exhorté à un cessez-le-feu immédiat lors d’une conversation avec le président kényan William Ruto. Parallèlement, le Haut-Commissariat pour les réfugiés s’attend à une aggravation de la crise humanitaire si le conflit s’intensifie.
Alors que le Conseil de sécurité exige des retraits immédiats et inconditionnels, l’avancée rapide du M23 illustre l’ampleur de l’effondrement des FARDC et la complexité d’un conflit enraciné depuis trois décennies. L’issue demeure incertaine, malgré les appels croissants à une solution diplomatique et humanitaire urgente.
Wilfrid K./La rédaction