Les propos d’Emmanuel Macron sur les accords militaires en Afrique suscitent une levée de boucliers sur le continent. Lors de la conférence des ambassadeurs, le président français a évoqué des négociations autour du retrait des troupes françaises et critiqué une supposée « ingratitude » de certains dirigeants africains, insinuant que la souveraineté de leurs pays dépendait historiquement de la présence militaire française. Ces déclarations ont provoqué des réponses cinglantes, notamment de la part du Sénégal et du Tchad, témoins d’une rupture profonde dans les relations franco-africaines.
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Le Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko a vivement réagi, qualifiant les propos de Macron de « totalement erronés ». Il a nié toute négociation concernant le retrait des bases françaises, affirmant que cette décision relevait uniquement de la souveraineté du Sénégal. Sur le réseau social X (anciennement Twitter), il a rappelé que le départ annoncé des forces françaises était une démarche unilatérale, émanant de la volonté d’un pays libre et indépendant. En dénonçant le mépris présumé des propos de Macron, Sonko a également souligné que la France n’avait « ni la capacité ni la légitimité » d’assurer la sécurité et la souveraineté de l’Afrique. À l’inverse, il a reproché à Paris d’avoir contribué à des crises régionales, notamment en Libye, exacerbant l’instabilité au Sahel.
Du côté du Tchad, le ministre des Affaires étrangères, Moussa Faki Mahamat, a aussi exprimé son indignation. Qualifiant les déclarations du président français d’ »attitude méprisante« , il a souligné l’urgence d’un dialogue plus respectueux entre la France et ses anciens partenaires africains. Cette réponse marque une continuité dans le désenchantement tchadien vis-à-vis de l’influence française, exacerbée par des décennies de partenariats souvent perçus comme déséquilibrés.
Au-delà des indignations officielles, ces réactions illustrent une dynamique de remise en question des relations postcoloniales. Longtemps perçue comme un allié stratégique incontournable, la France fait face à une vague de désengagement initiée par plusieurs nations africaines. Ce phénomène s’inscrit dans un contexte où la jeunesse africaine, particulièrement mobilisée sur les réseaux sociaux, conteste de plus en plus l’héritage de la « Françafrique ».
Par ailleurs, les déclarations de Macron ont ravivé des mémoires historiques douloureuses. En réponse à ses critiques sur l’ingratitude africaine, Sonko a rappelé le rôle déterminant des soldats africains dans les deux guerres mondiales, souvent mobilisés de force pour défendre la France. Ce rappel historique souligne les contributions africaines à une souveraineté française qui, ironiquement, semble aujourd’hui remise en question par des discours jugés condescendants.
La rupture militaire, symbolisée par la fin des accords avec des pays comme le Mali, le Burkina Faso et récemment le Sénégal, marque une étape clé dans la reconfiguration des alliances en Afrique. D’autres puissances, comme la Russie et la Chine, profitent de ce désengagement pour renforcer leur présence sur le continent. Pour la France, cette transition pourrait bien signaler la fin d’une ère, où elle dominait encore les sphères sécuritaire et économique dans une grande partie de l’Afrique francophone.
L’avenir des relations entre la France et l’Afrique repose désormais sur la capacité des deux parties à établir une nouvelle base, débarrassée des héritages coloniaux et des ressentiments historiques. Cela nécessite de part et d’autre une reconnaissance sincère des erreurs passées et un respect mutuel dans la définition des partenariats à venir. Dans ce contexte, les propos d’Emmanuel Macron risquent d’être perçus comme une occasion manquée de renouer avec l’Afrique sur des bases plus équitables.
Wilfrid K./La rédaction